Pétrole, métaux industriels et même certaines denrées agricoles comme le cacao, les cours des « commodities » sont en effervescence. Leurs évolutions se placent au centre des scénarios de marché possibles.
Les accrocs au chocolat sont inquiets. Après une année 2023 de forte hausse (+65% de janvier à décembre), le cours du cacao s’est littéralement envolé depuis le 1er janvier 2024, pour passer nettement au-dessus des dix mille dollars la tonne, plus cher que le cuivre ! Le café monte de 20% sur la période…
Heureusement, la grande majorité des autres denrées agricoles essentielles à l’alimentation des populations mondiales (blé, maïs, riz) n’a pas suivi un tel mouvement.
L’inquiétude est néanmoins palpable sur le front des taux d’intérêt car les cours du pétrole et des métaux industriels se sont fortement tendus ces derniers mois et pourraient ralentir la baisse de l’inflation, avec un impact direct sur les taux.
Le pétrole concentre l’essentiel des attentions. Le brut léger américain, à un peu plus de 80$ le baril, est ainsi en hausse de 15% cette année, tout comme le Brent de la mer du Nord, toujours un peu plus cher, au-delà des 85$.
Ces cours du pétrole restent abordables mais la dynamique interroge alors que la production américaine a nettement progressé depuis un an – au-delà des 13 millions de barils jours – et que les stocks stratégiques de pétrole aux Etats-Unis, ont diminué de moitié depuis 2018 quasiment aux plus bas depuis 1983.
La bonne dynamique manufacturière mondiale est un des facteurs explicatifs de cette poussée de l’or noir. Depuis plusieurs semaines, aux Etats-Unis, en Chine et même en Europe – certes à partir de niveaux très bas – les indicateurs avancés industriels remontent et indiquent que le déstockage post « stress CoVid » est terminé.
L’autre déterminant de ces tensions réside dans le plafonnement de l’offre mondiale. Aux Etats-Unis, la production du bassin du Permian, à l’ouest du Texas, cale depuis quelques mois et les autres champs ne peuvent prendre le relais alors que l’OPEP et la Russie maintiennent toujours une forte pression sur les autres pays producteurs. Les tensions au Moyen-Orient ont également joué un rôle accélérateur.
Pour les autres matières premières, c’est également une combinaison d’une demande accrue – en particulier pour les métaux nécessaires à la transition énergétique et aux différentes solutions climatiques proposées par les entreprises – et d’investissements insuffisants pendant des années, qui explique la montée des cours
Celle-ci s’est accélérée cette année. Le cuivre, au cœur de nombreux processus industriels et indispensable aux réseaux électriques et aux énergies renouvelables, a ainsi progressé de 15% depuis début janvier. Le nickel, lui aussi très présent dans les technologies de décarbonation, a suivi la même progression. Les hausses sont moins nettes pour l’aluminium (+9%) ou le Zinc (+4%).
Au-delà d’une pression ponctuelle sur les coûts manufacturiers, ce qui reste à surveiller c’est la mise en place du « Triangle de Gordon » du nom de l’économiste américain Robert J. Gordon, un des élèves du prix Nobel d’économie Robert Solow : l’inflation se met en place avec la hausse des matières premières, qui ensuite se propage aux biens manufacturiers qui, à son tour, déclenche la hausse des prix dans les services.
C’est bien dans ce sens-là que le cycle inflationniste actuel s’est mis en place, dans le contexte d’une forte perturbation de l’offre et de l’organisation des chaines de valeur post-CoVid. A l’inverse, à ce stade, la fameuse « inflation sous-jacente » dans les services, tant crainte des banquiers centraux, ne s’est pas traduite par une nette remontée des anticipations d’inflation et la « spirale prix-salaires » ne s’est pas déclenchée.
Il est donc probable que, pour prendre leurs prochaines décisions, au-delà des mouvements annoncés en juin – pause pour la Fed et première baisse pour la BCE – les banquiers centraux regarderont avec attention l’évolution des matières premières et celle des produits industriels liés aux cycles et donc les plus sensibles potentiellement à une hausse des coûts de production dans un contexte de stocks limités.
Enfin, la hausse des cours de l’or est-elle justifiée par une anticipation inflationniste ou par une spéculation asiatique ?
Le scénario de marché, tant pour les taux que pour les actions, sera donc très dépendant, dans les prochaines semaines, de l’évolution des prix des « commodities » dans les prochains mois.