Croissance, taux d’intérêt, devises, activité commerciale, Trump détient les clés de 2025 pour les marchés. Il va falloir suivre le rythme !
La future administration Trump héritera d’une économie en grande forme. Croissance, inflation, emploi, productivité, tous les voyants sont au vert Outre-Atlantique. Les rivaux européens et même chinois font pâle figure en comparaison. Notre indicateur MMS Montpensier de Momentum Economique, à 52, résiste d’ailleurs admirablement au climat de morosité qui se répand sur la planète.
Source : Bloomberg / Montpensier Finance au 2 janvier 2025
Mais si l’effet mécanique d’augmentation des profits en cas de baisse d’impôts n’est guère contestable, l’impact de cette politique sur la croissance, à court puis à moyen terme, est plus complexe à cerner à ce stade.
A court terme, l’impact dépendra de deux autres promesses du candidat Républicain, qui l’éloignent définitivement du volet « Reaganomics » : les fortes restrictions imposées à l’immigration d’une part, et les barrières douanières très élevées d’autres part. Priver l’économie américaine d’un volant minimum annuel de 1 million de nouveaux travailleurs, et simultanément imposer l’équivalent d’un impôt supplémentaire à la consommation des ménages comme des entreprises, pèserait rapidement sur la croissance.
Il est d’ailleurs ironique de noter que ses positions le différencient fortement précisément de son « modèle » électoral puisque Grover Cleveland, alors que le débat à la fin du XIXème siècle faisait rage autour des droits de douane, s’est battu avec acharnement pour les baisser, à l’inverse de son concurrent James Buchanan, et qu’il s’est signalé, au cours de son second mandat en 1897, par l’apposition de son veto à une loi sur l’immigration proposée par Henry Cabot Lodge, un représentant du Massachussetts, qui restreignait fortement celle-ci.
1- A moyen terme, pour soutenir la croissance, l’augmentation mécanique des profits permise par les baisses d’impôts et de réglementation, devront se transformer directement – via le compte d’exploitation de l’entreprise – ou indirectement – via les dividendes et plus généralement le « retour de cash » vers l’actionnaire – en investissement.
Lors de la baisse d’impôts du 1er mandat, les canaux « directs » d’alimentation de l’investissement ont été faibles. En revanche, le retour aux actionnaires a coïncidé avec une augmentation des financements privés, en dette ou en capital – des start-ups américaines. Reste à savoir l’impact du faible niveau de rotation actuel des investissements privés sur ce type de mécanisme de transmission.
2- Au-delà de la croissance, le deuxième aspect majeur à suivre pour les marchés sera les conséquences des « MAGAnomics » pour l’inflation et donc sur les taux d’intérêt.
La dernière conférence de presse de Jerome Powell a marqué un tournant clair : la phase de « recalibration » de la politique monétaire américaine est terminée, une nouvelle phase, plus graduelle, plus incertaine aussi, s’ouvre.
Bien sûr, le président de la Fed, qui se veut toujours et avant tout indépendant du pouvoir politique, n’a pas voulu clairement lier cette incertitude aux projets de la nouvelle administration, mais le message est clair : faute de visibilité sur l’impact des futures décisions quant au marché de l’emploi et à l’inflation, ses deux mandats, c’est désormais la prudence qui domine. Le marché des taux en a pris acte, le 10 ans US terminant l’année en forte hausse, à 4,56%, ce qui a généré des prises de profit sur les marchés actions.
Cette augmentation des taux, alliée à des perspectives d’activité toujours plus dynamiques Outre-Atlantique qu’en Europe, a facilité la course du dollar en fin d’année vers la parité avec la monnaie unique, le billet vert enfonçant la zone des 1,05$ pour un euro et touchant 1,0350$.
3- Cet angle des devises sera le troisième angle suivi par les marchés, après la croissance et les taux, pour analyser en 2025 l’impact Trump. Celui-ci touche cette fois-ci directement l’Europe.
Pour le Vieux Continent, et pour les marchés européens, riches de valeurs exportatrices, la baisse de l’Euro, pour autant qu’elle reste contenue, est une bonne nouvelle car elle facilite les ventes à l’étranger.
Les actifs en euros, qu’ils soient côtés ou non, deviennent également, toutes choses égales par ailleurs, attractifs pour les investisseurs en dollars en quête de bonnes affaires. Si tant est, une fois encore, que le mouvement reste maitrisé et ne se « japonise » pas, au risque de faire fuir les capitaux extérieurs et de déclencher l’ire des pouvoirs publics américains, soucieux de rééquilibrer à marche forcée les termes de l’échange.
Or ces derniers, déjà suspicieux, risquent de l’être encore plus sous une présidence Trump qui considère tout déficit comme une faiblesse, ou plutôt une injustice à corriger d’urgence. L’analyse actuelle du Trésor Américain cible, à ce jour, trois devises qu’elle considère comme particulièrement sous-évaluées et donc génératrice de concurrence déloyale avec les Etats-Unis : le Dong vietnamien, le Yuan chinois et l’Euro.
Dans ce cadre, l’essentiel pour les marchés sera d’éviter la guerre des devises et son possible corollaire, la remise en cause de l’indépendance des banques centrales et en premier lieu de la Fed. Car la BCE reste paradoxalement protégée par son statut de « co-propriété en indivision » et par l’influence de la Bundesbank. En revanche, la Fed pourrait devoir naviguer subtilement entre remontée des taux et baisse de la croissance potentielle en cas de retour de l’inflation et de baisse de la masse de travail si Trump va au bout de ses idées.
Reste enfin, et c’est le dernier angle d’analyse des marchés pour cette année « trumpienne », à éviter une montée incontrôlée des politiques de rétorsion commerciale. Le contexte de l’abandon des structures multilatérales de règlement des dissensions et la montée de la rivalité stratégique entre la Chine et les Etats-Unis pourrait forcer chaque Etat à progressivement « choisir son camps ».
Les politiques de souveraineté portent en elle la promesse d’un renouveau industriel apprécié par les électorats et porteur de stabilité sociale. Elles doivent néanmoins demeurer limitées et ne pas empêcher l’innovation qui ne se déploie que par les échanges et la concurrence.
Lors du premier mandat de Trump, les tweets vengeurs annonçant la radicalisation de la politique commerciale du pays, ont été très peu appréciés par les marchés.
Mais Trump a déjà montré son pragmatisme et son côté « pro-business ». Tout reste donc ouvert cette année.
Bonne et heureuse année à tous !
Par Guillaume Dard, Président du Conseil de Surveillance & Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste