Arrêt de l’escalade géopolitique, pause sur les taux d’intérêt, trêve dans la guerre des monnaies et relance équilibrée en Chine, ce sont les quatre côtés du carré magique qui redonneraient de l’allant aux marchés.
L’année 2022 se caractérise par une série de chocs, tant politiques qu’économiques, qui brouillent la lisibilité de l’environnement et empêche de se projeter sereinement vers l’avenir. Comment pourraient donc évoluer les quatre côtés du carré magique dans les mois à venir ?
Le premier côté du carré est celui des tensions géopolitiques mondiales. La guerre en Ukraine a déclenché un choc énergétique majeur, propulsant les prix du gaz et de l’électricité en Europe à des niveaux historiques, faisant bondir l’inflation, et créant la possibilité de pénuries énergétiques mettant en danger une partie de l’industrie du Vieux Continent.
La crise énergétique touche particulièrement les perspectives de croissance de l’Allemagne : notre indicateur Montpensier MMS de Momentum Économique Outre-Rhin, à 14, est proche de ses plus bas de 2008.
Après la contre-offensive ukrainienne, l’escalade verbale en Russie inquiète. L’ouverture d’un front diplomatique parait lointaine mais une évolution politique à Moscou suite aux déboires militaires ne peut être exclue et agirait comme une bouffée d’oxygène pour les investisseurs.
Notre indicateur de Momentum de croissance économique allemand est descendu à 12 en 2020 et est remonté à 81 en 2021. Il oscille autour de 14 actuellement
Source : Montpensier Finance / Bloomberg au 28 septembre 2022
En Asie, les craintes se concentrent autour du détroit de Taiwan. Avant le XXème congrès du parti communiste chinois le 16 octobre prochain, les risques d’un conflit majeur semblent faibles mais les dirigeants chinois ne cessent d’affirmer leur volonté de réunifier la Chine « par tous les moyens ».
Les navires et avions militaires du continent font des incursions toutes les semaines dans l’espace aérien « neutre » du détroit depuis août dernier et la visite de la présidente de la chambre des représentants US sur l’ile. Et Taiwan, via les semi-conducteurs de TSMC, est un maillon essentiel de la chaine de souveraineté que Pékin veut solidifier à toute force.
Le dialogue semble cependant être maintenu et nourri entre les deux géants du Pacifique et la fermeté de Biden, qui s’appuie sur un fort consensus dans la classe politique américaine, devrait permettre de stabiliser la situation au moins jusqu’aux élections de 2024.
Le second côté du carré est celui des taux d’intérêt. Sidérées par la montée de l’inflation et par sa persistance, les banques centrales ont accéléré le resserrement de leur politique monétaire. Depuis mars dernier, la montée des taux des deux côtés de l’Atlantique a été la plus rapide depuis plus de quarante ans. Notre indicateur MMS Montpensier de conditions monétaires aux Etats-Unis se situe en territoire fortement restrictif, et l’Europe suit de près ce mouvement.
Nos indicateurs de des conditions monétaires américain et européen deviennent « restrictifs »
Source : Montpensier Finance / Bloomberg au 28 septembre 2022
A-t-on passé le pic de cette hausse ? Probablement pas, les discours des grands banquiers centraux ne laissent que peu de doutes à ce sujet : ils ont délaissé la recherche des grands équilibres macro-financiers pour se concentrer sur leur mission première, à savoir la stabilité des prix.
La question des marchés est différente : A-t-on correctement anticipé la future trajectoire des taux ? La crainte est celle d’une nouvelle « surprise hawkish » à l’image de celle qui a frappé les investisseurs lors du discours très déterminé de Jerome Powell à Jackson Hole fin août.
Du côté américain, une déconvenue parait de plus en plus improbable. James Bullard, le très orthodoxe président de la Fed de Saint Louis, a lui-même confirmé mardi 27 septembre un atterrissage des Fed Funds autour de 4,5% en 2023, niveau désormais anticipé par les marchés. Reste la possibilité d’une baisse de taux fin 2023 et là les positions divergent : les investisseurs y croient, compte tenu des anticipations de dégradations de l’environnement économique mondial, tandis que la Fed repousse énergiquement cette possibilité.
L’interrogation est plus forte de ce côté de l’Atlantique. La BCE est aux prises à la fois avec des pressions inflationnistes plus violentes en raison des prix de l’énergie qui affectent en premier lieu l’Europe, et avec une dégradation plus marquée de la conjoncture. L’équilibre ne sera pas facile à trouver et l’incertitude sur les marchés pourrait durer.
Le troisième côté du carré est l’instabilité des grandes devises. Face au dollar, qui a retrouvé pleinement son statut de valeur refuge, le Yen, le Yuan, l’Euro et la surtout la Livre tanguent. Chacune de ces devises a perdu à minima 20% de sa valeur depuis le début de l’année contre le billet vert.
Les investisseurs s’inquiètent de la rapidité des mouvements de ces grandes devises de réserve. La livre britannique a ainsi chuté de plus de 3% en une journée le 25 septembre. Ils craignent également les effets de contagion régionale en Asie : la baisse du Yen, en dessous du seuil historique de 145 Yens pour un dollar, entraine celle du won coréen, baromètre des exportateurs de la zone. Or c’est par de violents mouvements de devises, que se sont propagées les crises financières des années 1990 : crise du peso mexicain de 1994, crise asiatique puis russe de 1997-1998.
Les autorités budgétaires et monétaires mondiales sont conscientes de ces risques. Un accord de stabilisation des devises, soit entre les grandes banques centrales, soit avec le concours des Trésors des grands pays, est possible dans les semaines qui viennent. Notre espoir réside dans la signature d’un pacte au G20 Finances de Bali le 15 novembre prochain, semblable à celui de Shanghai en février 2016 qui avait stoppé l’instabilité du Yuan.
Le quatrième et dernier côté de ce « carré magique » des marchés est chinois. Alourdie par la politique Zéro CoVid et les difficultés du secteur immobilier, la croissance chinoise sera, cette année, pour la première fois depuis 1990, inférieure à celle du reste du Sud-Est asiatique. Un comble pour un pays qui, depuis 2008, réalisait à lui seul 30% de la progression de l’activité mondiale ! Notre indicateur Montpensier MMS de Momentum économique chinois, à 43, est en territoire de contraction.
Notre indicateur de Momentum de croissance économique chinois est descendu à 29 en 2020 et est remonté à 77 en 2021. Il oscille autour de 40 actuellement
Source : Montpensier Finance / Bloomberg au 28 septembre 2022
Le redémarrage du moteur chinois est donc primordial pour redonner de l’optimisme aux investisseurs. Jusqu’ici, les plans de relance se succèdent comme autant d’effets d’annonce mais rien ne vient relancer réellement la machine. L’espoir pourrait venir de Hong Kong, qui vient d’alléger sensiblement les contraintes sanitaires CoVid. Si le territoire était considéré comme un « poisson pilote » pour tester les nouvelles politiques publiques, il pourrait être le précurseur d’un changement de doctrine sanitaire capable de redonner confiance aux acteurs économiques du pays.
Mais tout est une question d’équilibre : une relance trop forte et ce serait le retour de la pression sur les matières premières et tout spécialement sur l’énergie, avec des risques accrus sur l’approvisionnement en GNL de l’Europe et sur la progression des prix sur tous les continents. L’idéal serait de parvenir enfin à cette « économie double flux » du président Xi, en insistant davantage sur la demande intérieure du consommateur chinois.
La baisse des marchés de septembre a été conforme à la saisonnalité boursière habituelle. Le mois d’octobre est plus ambivalent, il peut être volatile mais c’est aussi la période de l’année où le marché repart en avant. Du mieux sur les quatre côtés du carré magique permettrait de respecter cette tradition.
Par Guillaume Dard , Président et Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste de Montpensier Finance