Cet été, le marché a connu, lors du rebond du yen, un épisode de volatilité bref mais très vif. Il aborde la rentrée avec 3 espoirs : un renouveau de la croissance en Chine, un nouvel équilibre aux Etats-Unis et le desserrement de l’étau monétaire mondial.
Avec un pic de volatilité impressionnant durant quelques jours, le mois d’août aura marqué les investisseurs par sa nervosité. L’indice Nikkei a même enregistré le 5 août sa plus forte baisse quotidienne depuis le krach d’octobre 1987.
Malgré des conséquences finalement limitées après un rebond significatif des grands indices mondiaux, le calme est revenu.
Au-delà de la volatilité traditionnelle d’automne, des interrogations demeurent fondées sur la combinaison possible d’un ralentissement américain et mondial et de banques centrales trop prudentes pour assouplir suffisamment leurs politiques monétaires.
Pourtant, l’histoire n’est pas écrite et le dernier trimestre pourrait permettre aux investisseurs d’escalader ce « mur d’inquiétudes » pour autant que trois éléments clés s’accomplissent dans les mois à venir.
1- Le premier est la concrétisation des espoirs de relance de l’économie chinoise, régulièrement déçus depuis dix-huit mois et la fin du « zéro- CoVid ».
Affectée par son secteur immobilier qui peine à digérer l’exubérance passée, freinée par le manque de dynamisme de la demande intérieure et trop dépendante de la formidable machine industrielle exportatrice du pays, la Chine n’arrive pas à retrouver un dynamisme digne de son rang pré-pandémie.
Notre indicateur MMS Montpensier de Momentum économique est en territoire positif. Mais les effets concrets de cette amélioration tardent à se faire sentir pour les acteurs économiques.
Source : Bloomberg / Montpensier Finance au 30 août 2024
Pourtant, de premiers signes encourageants se font jour.
C’est encore fragile pour l’immobilier,
où les derniers chiffres, publiés le 15 août, montrent que les prix baissent sur un an dans 68 villes sur les 70 composant l’indicateurs de référence. En janvier, seules 53 villes étaient dans cette situation. Mais les autorités semblent avoir enrayé la spirale de faillite des promoteurs et le risque systémique s’éloigne à mesure que des garanties sont apportées par les pouvoirs locaux, très mobilisés.
C’est plus net pour la demande intérieure. Après un fort ralentissement en juin, avec une progression de seulement 2% sur un an, au plus bas depuis début 2023, les chiffres de juillet des ventes au détail ont rassuré puisque le rythme annualisé est désormais de +2,7%.
En parallèle, Pékin poursuit l’assainissement à marche forcée de son secteur bancaire en forçant la concentration des multiples et fragiles petites banques rurales, sur le modèle de la crise des caisses d’épargne à la fin des années 80 aux Etats-Unis : au premier semestre 2024, le nombre d’établissements bancaires liquidés a ainsi été quatre fois supérieur à l’ensemble des opérations de ce type sur 2023. Ceci devrait permettre de relancer le crédit, qui s’est contracté en juillet pour la première fois depuis 2007.
Reste maintenant à relancer franchement l’activité via, par exemple, une vaste réforme fiscale. L’augmentation du taux de chômage, à 5,2% fin juillet et 13,2% pour les 16-24 ans selon, le nouveau mode de calcul qui exclut les étudiants, ne laisse que peu d’options alternatives au pouvoir central.
2-Le second élément attendu par les investisseurs est l’affirmation du scénario d’atterrissage en douceur de l’économie américaine après l’expansion sous stéroïdes budgétaires post- pandémie.
Depuis plusieurs semaines, les indicateurs contradictoires se multiplient. Début août, c’est la succession d’un indice ISM des directeurs d’achats dans le secteur manufacturier bien inférieur aux attentes – en particulier dans le volet le plus avancé, celui des nouvelles commandes – et de chiffres de l’emploi moins positifs que prévu, qui a accu fortement la nervosité des investisseurs.
Mais, quelques jours plus tard, la publication de ventes au détail toujours très solides, appuyées par des commentaires positifs du géant de la distribution Walmart, permettait aux indices de reprendre largement le terrain perdu.
A ce jour, les craintes de récession aux Etats-Unis paraissent exagérées. En premier lieu en raison d’un marché de l’emploi qui, en dépit d’une normalisation rapide, demeure toujours solide avec un taux de chômage à 4,3% et qui soutient la consommation. Ensuite parce que la progression des salaires est désormais supérieure à l’inflation, ce qui, là aussi, est un contributeur positif au moral des ménages. Enfin parce que les gains de productivité, depuis trois trimestres, sont plus rapides que l’augmentation des salaires, ce qui soutient la tendance à la baisse de l’inflation.
3-Le troisième élément nécessaire au soutien des marchés pour les prochains mois est biensûr le desserrement monétaire suite à la baisse continue et rapide des indices d’inflation.
Nos indicateurs MMS Montpensier de conditions monétaires montrent en effet un environnement financier très restrictif, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. En dépit du très fort ralentissement de la dynamique des prix depuis un an – en deçà de 3% en rythme annuel – les banques centrales sont, jusqu’ici, demeurées très prudentes, inquiètes de se faire prendre à revers, l’une par la progression des salaires – en Europe et tout spécialement en Allemagne – l’autre, aux Etats-Unis par le secteur des services, où la pression sur les prix ne diminue que faiblement.
Notre indicateur MMS de conditions monétaires américain reste très restrictif
Source : Bloomberg / Montpensier Finance au 30 août 2024
Résultat : les tensions sur les refinancements ont été plus fortes et le secteur immobilier, en première ligne, souffre des deux côtés de l’Atlantique. Heureusement, les bilans des entreprises comme des ménages ont été assainis grâce à la décennie de taux très bas après la crise financière et au soutien massif des Etats et des banques centrales pendant la pandémie et jusqu’au début de 2022.
La nervosité des investisseurs dans ce domaine a été particulièrement bien illustrée le 5 août dernier, lorsque la décision de la Banque du Japon d’enclencher un cycle de resserrement monétaire a suscité la plus forte baisse journalière de l’indice Nikkei depuis le krach de 1987 et accéléré la pression sur les indices européens et américains, déjà fragilisés par les craintes d’un ralentissement économique plus rapide que prévu. A tel point que les autorités monétaires japonaises ont été contraintes d’annoncer le lendemain une pause dans la mise en œuvre de leur nouvelle stratégie.
Aux Etats-Unis comme en Europe, le vent tourne déjà en faveur d’une accélération – ou du début en ce qui concerne la Fed – du desserrement monétaire. Depuis le cœur du printemps, et plus encore depuis Jackson Hole, la Fed a remis l’équilibre entre ses deux mandats – la stabilité des prix et le plein emploi – au cœur de son action, ce qui laisse supposer un début de baisse de taux en septembre. Si celle-ci survenait dans un contexte de stabilisation économique, ce qui est notre scénario central à ce stade, les marchés salueraient ce nouvel oxygène.
L’Europe, comme souvent, reste plus prudente, la BCE demeurant contrainte par un mandat strict de maitrise de l’inflation et par les approches divergentes des membres de son comité de politique monétaire. Il faudra néanmoins faire preuve, dès le mois de septembre, d’esprit de décision afin d’agir fortement en faveur de la croissance.
Par Guillaume Dard, Président du Conseille de Surveillance & Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste