Les marchés sont tirés par 3 moteurs : impact de l’Intelligence Artificielle, désinflation et baisse des taux à venir et enfin la belle résistance du consommateur américain.
Le début de l’année est solide sur les marchés. Portés par des résultats de belle facture de part et d’autre de l’Atlantique, les indices ont enregistré de nouveaux records sans s’inquiéter outre-mesure des fortes turbulences géopolitiques. Mais qu’attendre des trois moteurs qui portent les marchés ?
1-Le premier moteur est celui des conséquences positives que pourraient apporter le développement de l’intelligence artificielle.
Mais pour le moment, seul le fabricant de semi-conducteurs NVidia a su démontrer qu’il pouvait profiter directement de la vague d’enthousiasme envers les nouveaux algorithmes pour générer d’importants cash flows.
Jusqu’à présent, l’entreprise a bénéficié d’un alignement de planètes exceptionnel : des produits indispensables, quasi-uniques sur le marché, et demandés par les sociétés parmi les plus riches de la planète. Rien d’étonnant donc à ce que les promesses se soient rapidement concrétisées en terme de profits.
A tel point qu’après vu son cours multiplié par quasiment six en moins de dix-huit mois, ses ratios de valorisations, certes très élevés, sont loin des multiples à trois chiffres atteints par de nombreuses valeurs internet lors de l’euphorie des années 1999-2000.
Même pour ce champion incontesté, la pente devient de plus en plus rude à mesure que les espoirs grandissent. Toujours faire mieux que les attentes, tel est l’objectif ! En outre, des projets concurrents émergent, comme celui de Sam Altman, le patron d’Open AI qui souhaite lever la bagatelle de 7000 milliards de dollars pour bâtir des fonderies capables de produire les puces et cartes graphiques nécessaires au développement de ses produits.
Les défis sont plus grands encore pour les GAFAM. A ce stade, ces grands clients de NVidia n’ont su démontrer qu’à la marge la contribution effective de leurs outils d’intelligence artificielle à leur rentabilité réelle. Les prochaines saisons de résultats seront scrutées à la loupe pour évaluer les progrès en ce domaine.
Mais le test ultime sera la capacité, pour ces nouveaux instruments, de modifier sensiblement la trajectoire de la productivité, depuis trop longtemps en ralentissement des deux côtés de l’Atlantique. De ce point de vue, l’accélération sensible observée lors des deux derniers trimestres aux Etats-Unis, est encourageante, mais devra être rapidement confirmée pour pouvoir relever les prochains scénarios économiques.
2- Le second moteur des marchés est celui de la rapidité de la désinflation à l’œuvre depuis mi-2023 et la baisse de taux à venir.
Mais depuis le début de l’année, les banques centrales demeurent prudentes quant au calendrier et à l’ampleur des baisses de taux à venir. Il faut dire que les derniers chiffres d’inflation ont marqué une pause dans la tendance à la décrue rapide de la dynamique des prix. A 3,1% sur un an pour le chiffre « CPI » en janvier 2023, l’inflation annualisée est ressortie en nette baisse sur un mois mais légèrement au-dessus des attentes qui étaient ancrées sous les 3%.
Rien d’inquiétant à ce stade. Cependant, la conjonction d’un ralentissement moins rapide que prévu de ces indicateurs, et de la surprenante résistance de la croissance américaine, pourrait inciter la Fed à retarder jusqu’à l’été le début du cycle attendu de baisse de taux. Ce qui n’est pas le contexte le plus favorable à la poursuite de la hausse des indices actions. Quant à la BCE, son atavique prudence et les dissensions au sein de son conseil des gouverneurs, pourraient bien la conduire elle aussi à rester l’arme au pied alors que la dégradation de la conjoncture sur le Vieux Continent devrait, à l’inverse, la pousser à presser le pas.
Jusqu’ici, les marchés n’ont revu que très graduellement leurs anticipations de desserrement des conditions financières et cela n’a pas empêché les investisseurs de demeurer optimistes. Mais toute patience a ses limites.
3- Le troisième moteur est l’appétit du consommateur américain qui a permis à l’économie du pays de progresser de 2,3% en 2023, avec même une impressionnante accélération au second semestre.
Les chiffres de ventes au détail pour le mois de janvier, publiés le 15 février dernier, ont jeté le trouble, avec des baisses mensuelles entre 0,4% et 0,8% en fonction des indicateurs (avec ou sans les ventes d’automobiles par exemple) alors que le consensus attendait, une fois de plus, une progression.
Jusqu’ici, l’excès d’épargne accumulé pendant la phase de la pandémie et surtout le dynamisme du marché de l’emploi a soutenu l’activité commerciale. Mais les premiers signaux de fragilité apparaissent : les comptes à vue se vident à mesure que progressent l’encours des cartes de crédit et des dispositifs de paiement différés, et le nombre d’emplois à temps plein diminue, ce qui incite de plus en plus d’américains à accepter deux voire trois emplois.
Pris dans son ensemble, la consommation aux Etats-Unis a environ le même poids dans l’économie mondiale que l’ensemble de la Chine. La confiance dans ce pilier de l’activité mondiale est donc d’autant plus importante pour écarter un scénario de récession généralisée, à l’heure où l’Empire du Milieu semble avoir les pires difficultés à sortir des pressions déflationnistes qui pèsent sur lui depuis désormais plusieurs mois.
La saison de publication de résultats globalement très encourageante incite les marchés à conserver leur élan. Mais les trois grands moteurs doivent rester allumés !
Par Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste