Par Nicolas Kieffer, Co-gérant du fonds M Climate Solutions, Bassel Choughari Co-gérant du fonds M Climate Solutions et Clément Alberto, Responsable de l’analyse ISR chez Montpensier Finance
Des dizaines de centrales solaires virent le jour en Allemagne, permettant ainsi à une industrie locale de fabrication de panneaux solaires de prospérer… jusqu’à ce que la Chine se positionne sur ce marché en développant d’ambitieuses structures industrielles, à même d’assurer, grâce à d’importantes économies d’échelle, une forte baisse des prix. Entre 2010 et 2016, de nombreux producteurs chinois, comme JA Solar ou Longi Solar, ont rapidement gagné des parts de marché et fait décoller l’industrie solaire mondiale grâce à des tarifs imbattables.
Résultat : en 2019, la plupart des principaux fabricants étaient chinois. Cependant, de nombreuses innovations technologiques proviennent d’Europe, de la part de laboratoires publics de recherche, comme le CEA-Liten, Solliance ou le Fraunhofer ISE. Malgré l’intense concurrence chinoise, quelques entreprises européennes, comme Rec Group en Norvège ou Recom Technologies en France, réussissent à se développer grâce à une offre qualitative.
L’heure du photovoltaïque
Ces baisses de prix pratiqués par les fabricants chinois ont joué un rôle clé dans l’adoption de plus en plus large du photovoltaïque. Ainsi, comme évoqué plus haut, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) prévoit un nouveau record annuel sur les ajouts de capacités d’énergies solaires en 2022 (190GW). Le photovoltaïque pourrait même devenir à terme la première source d’énergie dans le monde.
Schématiquement, deux types d’installation photovoltaïques peuvent être réalisées : les installations sur le toit de bâtiments existant (environ 1/3 des installations au niveau mondial), ou les installations au sol (soit sur terre, soit sur des structures flottantes).
Les installations au sol posent la question de la perte nette de place. Les plus grandes installations, soit en France (300MW – Cestas, développé par Neoen), soit en Espagne (500MW – Núñez de Balboa, développé par Iberdrola) s’étendent sur des superficies allant de 2,5 à 10 km. Et même le futur champion européen, prévu pour 2024 et développé par Solaria dans l’est de Madrid, dépassera de peu les 600MW et s’étendra sur 13 km². Cependant, la contrainte d’espace peut être résolue grâce à une organisation méthodique. C’est la voie empruntée par la société allemande Encavis, une des pionnières du secteur, qui cumule un portefeuille en propre de 1,3GW de capacités photovoltaïques, à travers plus de 160 installations, en Allemagne et en Italie notamment, offrant une taille moyenne de 8MW.
L’autre manière de contourner la contrainte d’espace, c’est de créer de l’espace ! En 2012, Renault inaugurait l’une des plus grandes ombrières photovoltaïques du monde en construisant des ombrières de parking photovoltaïques sur plus de 40 hectares. Depuis, les projets se sont multipliés : Groupe Charles André sur 12,5 ha, réalisé avec Neoen, Eurodisneyland Paris sur 17 ha, réalisé avec Urbasolar, ou encore Stellantis Sochaux sur 22 ha, réalisé avec Engie Green.
Rupture technologique
Jusqu’à présent, la baisse des prix des panneaux photovoltaïques a surtout été liée à des améliorations industrielles. Les technologies utilisées ont assez peu évolué : les cellules photovoltaïques en silicium monocristallin et celles en silicium polycristallin constituent le standard. Ces deux technologies offrent un bon rendement, d’environ 25%, à un prix devenu attractif. Les panneaux ont une durée de vie de près d’une trentaine d’années et sont ensuite recyclables. D’autres technologies existent mais pour des usages plus spécifiques.
Une rupture technologique devrait cependant bouleverser le photovoltaïque. Il s’agit des pérovskites. Désignant à l’origine une famille particulière de minéraux, ce terme, devenu générique par la suite, qualifie tous les matériaux partageant une certaine structure cristalline. Depuis 2012, les recherches se sont multipliées, testant différentes combinaisons de matériaux, voire des tandems pérovskite-silicium, afin de trouver des solutions industrialisables à grande échelle, à faible coût, tout en conservant un rendement aussi important, sinon plus important que celui des cellules en silicium. Les pérovskites pourraient réduire le coût de la technologie solaire de 80% d’ici 2030. La société Oxford PV est la première à avoir annoncé la production industrielle et la commercialisation pour 2022 de cellules tandem perovskite-silicium. La société polonaise Saule Technologies a développé un savoir-faire d’impression de cellules pérovskite très fines et souples, qui intéresse notamment des industriels comme Somfy, pour créer des brise-soleils photovoltaïques capables de générer jusqu’à 170W par m2.
Par ailleurs, en attendant l’arrivée de cette rupture technologique, certaines techniques utilisées dans l’installation des centrales solaires permettent d’en accroître significativement les rendements : orientation des panneaux en fonction du parcours du soleil, grâce aux «trackers» du leader mondial Array Technologies, ou encore panneaux double face utilisant la réfraction solaire sur le sol.