Au-delà de la terrible situation au Moyen Orient, l’actualité politique aux Etats-Unis et aux Pays-Bas montre que les tendances populistes persistent des deux côtés de l’Atlantique.
Aux Etats-Unis, les derniers sondages montrent à la fois une érosion de la popularité de Joe Biden et une progression des intentions de vote en faveur de Donald Trump en dépit de ses multiples ennuis judiciaires, y compris dans les quelques États qui décideront du résultat de la prochaine élection présidentielle.
Malgré les efforts en faveur de l’industrie, des infrastructures et d’importantes aides aux ménages, l’économie reste perçue comme un point négatif de la présidence actuelle, le dernier sondage effectué pour le FT par l’institut Michigan Ross du 2 au 7 novembre dernier indiquant que 48% des personnes interrogées considéraient que l’action avait été très (33%) ou plutôt (15%) négative. La faute de l’inflation sans doute, et peut-être aussi aux soubresauts perçus de la politique migratoire à la frontière sud du pays.
A presque un an de la date fatidique, résultats des élections partielles de novembre n’ont pas été favorables au camp républicain y compris dans des bastions traditionnels comme le Kentucky ou le Mississipi.
Toujours est-il que les points forts de l’électorat démocrate – jeunes, minorités ethniques – s’effritent clairement dans les enquêtes d’opinion, et fragilisent ainsi la candidature Biden, rendant dès lors plus crédible l’hypothèse d’une nouvelle présidence Trump.
Celle-ci aurait probablement des aspects appréciés par les marchés : baisse des impôts, pressions – plus ou moins subtiles – sur la Fed pour baisser les taux, allègement de la réglementation.
Néanmoins, les premières indications sur les grandes orientations d’une deuxième présidence Trump comportent également des points qui pourraient fortement inquiéter les investisseurs s’ils étaient soutenus par une majorité au Congrès : augmentation généralisée des taxes à l’importation, accélération du creusement de la dette fédérale, remise en cause des soutiens à l’investissement – en particulier sur les énergies renouvelables – et des infrastructures.
A ce stade, les échéances sont trop lointaines compte tenu des nombreuses et fortes incertitudes qui demeurent pour susciter une inquiétude tangible des investisseurs, mais nul doute que le début effectif des primaires et le premier juge de paix du « Super Tuesday » le mardi 5 mars, seront suivis de près. D’ici là, l’administration Biden et les démocrates regarderont avec fébrilité les procès de Trump et peut-être encore davantage les indicateurs économiques tels que l’inflation ou l’emploi en espérant qu’ils redonneront confiance aux électeurs.
En Europe, la percée électorale du « Parti de la Liberté » (PVV) de Geert Wilders a de quoi étonner. Les Pays-Bas accumulent les médailles économiques : le pays est l’un de ceux, avec les Pays Baltes, le Luxembourg, l’Irlande, la Slovaquie et Malte, qui respectent le ratio de 60% de dette sur PIB (il est à moins de 50%), le budget a été à l’équilibre en 2022 et le déficit n’a pas dépassé 3,7% du Pib l’année du CoVid en 2020, alors que l’UE était en moyenne à -8%.
Mieux encore, le pays bénéficie d’importantes ressources liées au gaz naturel, a une balance des paiements largement positive et son PIB par habitant est largement devant celui de la France et même celui de l’Allemagne, bref, c’est l’élève modèle.
Malgré ce beau tir groupé statistique, les propositions politiques au pouvoir depuis 2010 au travers de multiples coalitions mais toujours sous la direction du premier ministre sortant Mark Rutte, ont été nettement devancées par le PVV lors des élections législatives du 23 novembre, gagnant presque un quart des sièges au Parlement de La Haye, un exploit au regard du paysage politique néerlandais très fragmenté.
Au-delà du choc des attentats du 7 octobre, puis de la guerre à Gaza qui a incontestablement accentué les fractures dans une population très divisée, la volonté de Geert Wilders de procéder à un référendum sur l’appartenance du pays à l’Union Européenne pour « reprendre le contrôle » sur le modèle du Brexit, a été au cœur de ses propositions et n’a pas rebuté les électeurs.
Un possible « Nexit » serait un tremblement de terre pour l’Union, confrontée à la sécession d’un de ses membres fondateurs, et pilier de la tradition d’ouverture et de libéralisme de la construction européenne. Son appartenance à l’euro – là aussi en tant que membre fondateur – porterait en outre, et à la différence du départ des britanniques, un coup très grave à la monnaie unique en cas de sécession.
La perspective d’un référendum – et encore plus, d’une victoire du « Nexit » – quoiqu’incontestablement effrayante pour les marchés financiers, est encore très lointaine compte tenu des difficultés anticipées par le PVV à former une coalition puis, au sein de celle-ci, à imposer son programme.
Néanmoins, comme aux Etats-Unis, il faut se garder de faire preuve de complaisance face au coup de tonnerre politique survenu la semaine dernière aux Pays-Bas. Usées par les successions de chocs depuis 2008, les populations européennes ne se contenteront plus de promesses de retour à moyen terme à une prospérité qui est perçue comme illusoire par beaucoup.
Il faut d’urgence retrouver un imaginaire économique d’avenir attractif en Europe et aux Etats-Unis et éviter que la force dominante des futures élections soit le ressentiment des laissés pour compte des dernières années. Les entreprises doivent faire leur part, elles montrent leur engagement et leur résilience jour après jour dans un contexte difficile. Aux autorités politiques et monétaires de les aider en se saisissant avec détermination et équilibre de ces problématiques
Par Wilfrid Galand , Directeur Stratégiste