Pour Guillaume Dard, Président de Montpensier Finance, il faut détenir des grandes valeurs qui résistent aux crises, investir dans des thématiques d’avenir (transition climatique, technologie, santé) et dans des petites et moyennes sociétés européennes
En anticipant une baisse des taux à l’automne et une réduction de l’inflation, les marchés n’ont-ils pas été trop optimistes ?
L’inflation décline incontestablement. La baisse est très prononcée aux Etats-Unis, moins en Europe en raison des turbulences des prix de l’énergie. Cette chute, aussi rapide que la hausse qui l’a précédée, a conduit effectivement les marchés à la fin du deuxième trimestre à anticiper un palier pour les taux à l’automne puis, assez rapidement, une diminution graduelle. Cela a bien aidé la dynamique des indices au printemps. Les marchés sont désormais plus prudents face à la pression qu’exercent la remontée des cours du pétrole et la belle résistance de la consommation aux Etats-Unis. Si l’on en croit les marchés obligataires, les premières baisses de taux sont repoussées au deuxième trimestre 2024. En espérant que les banques centrales s’arrêtent au stade actuel.
Les économies ne vont-elles connaître une inflation structurelle ?
Les ruptures du volet « offre » de l’économie mondiale constituent depuis trois ans un changement fondamental. C’est la fin de la période dite de « Grande Modération », caractérisée entre 2010 et 2019 par une croissance modérée et une inflation très faible. Ce qui change, c’est tout à la fois l’offre de biens et d’énergie, perturbée par les tensions commerciales, géopolitiques, l’urgence climatique, et l’offre de travail bouleversée par la crise CoVid. Cela signifie que les pressions inflationnistes seront probablement plus fortes que dans le passé. En France, le ministre de l’Économie l’a bien identifié et mène une politique adaptée à cette situation.
La rapidité des changements technologiques et la baisse structurelle de la pression démographique mondiale, pourraient cependant modérer la tendance inflationniste.
La clé restera la stabilité des taux de changes mondiaux et en particulier du dollar pour éviter un dérapage comme dans les années 1970.
La crainte de la récession vous parait-elle définitivement écartée ou seulement retardée ? Ne s’est-on pas trompé sur les Etats-Unis ? Peut-on assister à une dichotomie entre des Etats Unis qui continuent de croître et une Europe qui fléchit (Italie, France,.)
L’économie mondiale ralentit, nos indicateurs MMS Montpensier le montrent. Les Etats-Unis résistent grâce à la vigueur de la consommation mais l’excès d’épargne post-Covid est presque épuisé. La Chine fait face à de graves difficultés économiques et ne peut, à court terme, assurer son rôle de moteur de la dynamique mondiale.
Les risques récessifs d’une recession mondiale nous paraissent limités. Aux Etats-Unis , Joe Biden et les démocrates utilisent et utiliseront l’arme budgétaire pour soutenir l’activité. En Europe, la situation est plus dangereuse en raison de la nécessité de rétablir les comptes publics . De ce fait, une dichotomie de croissance pourrait revenir entre les Etats-Unis et l’Europe
La dégradation de l’économie chinoise vous inquiète-t-elle ? Quel impact peut-elle avoir ? Peut ont parler de japonisation de l’économie chinoise ?
La Chine est aux prises avec les graves difficultés de son secteur immobilier et peine, plus généralement, à faire repartir la confiance des acteurs privés, entreprises comme ménages. Même si la spirale déflationniste semble stoppée à court terme, l’atonie de la demande intérieure est une réelle menace. Les chiffres d’investissement privé, totalement à l’arrêt depuis le début de l’année, en sont le signe.
La Chine a toutefois les moyens de relancer son économie, en redonnant du pouvoir d’achat aux ménages et de la marge réglementaire aux entreprises. Des premières mesures interviennent pour l’immobilier. Il faut désormais aller plus loin pour éviter effectivement le « syndrome japonais ».
Comment dans ces conditions adapter son allocation d’actifs ? Faut-il de ce fait prendre des risques en investissant sur des obligations ou des actions ?
Un des grands changements pour l’épargnant depuis quinze mois, c’est effectivement le retour du rendement sur les placements monétaires. Cela offre des possibilités de nouveau attractives pour ceux qui cherchent à placer leur trésorerie à court terme. C’est une bonne nouvelle. Néanmoins, compte tenu des pressions inflationnistes persistantes, les perspectives de gains réels demeurent faibles sur ces placements qui ne peuvent représenter que des solutions d’attente.
Dans le même temps, les obligations ont retrouvé un vrai attrait avec la hausse des taux surtout si les banques centrales approchent de la fin du resserrement monétaire. Pour les obligations classiques, préférez les émetteurs de bonne qualité et optez pour les obligations convertibles qui permettent de profiter de la hausse des marchés boursiers.
Pour les actions, comme toujours depuis 15 ans, il faut mettre à profit les « trous d’air » et la volatilité, souvent propres à l’automne pour investir à bon compte et privilégier des thématiques porteuses à long terme.
Comment voyez vous les marchés actions évoluer?
Les indices sont très réactifs aux nouvelles en provenance de Chine, qui reste jusqu’ici la grande déception de l’année 2023, ainsi qu’aux orientations des banques centrales. Nous restons convaincus que la Chine ne peut se permettre un trop fort décrochage de sa croissance et fera le nécessaire pour relancer sa dynamique interne, mais cela peut encore prendre du temps. D’ici là, les investisseurs doivent guetter les signes de détente ou de tensions commerciales avec les Etats-Unis, et les impacts possibles sur les entreprises occidentales très exposées au marché chinois.
L’attitude des banques centrales sera aussi cruciale. Elles sont soucieuses de conserver toute leur crédibilité dans la lutte contre l’inflation mais attention à ne pas aller trop loin. Tout cela constitue un ensemble de facteurs propices à une certaine volatilité ce qui offrira des points d’entrée sur les marchés.
Avant l’été, les gérants recommandaient plutôt d’investir en Europe qu’aux Etats-Unis? Est ce toujours d’à-propos?
L’Europe reste intéressante avec des ratios de valorisation très raisonnables. Les valeurs moyennes européennes sont en particulier très décotées et nous paraissent présenter une opportunité de premier ordre pour un investisseur de long terme. Les Etats-Unis restent incontournables pour investir sur les grandes thématiques porteuses de cette décennie : climat, cloud, santé et sport.
Les petites et moyennes valeurs ne surperforment-elles pas seulement quand les taux baissent?
C’est historiquement plutôt vrai depuis vingt cinq ans mais les PME ont un potentiel de croissance supérieur et une agilité face à la plupart des crises
Quels titres et secteurs avoir en portefeuille?
Il faut rester fidèle à une construction de portefeuille rigoureuse et associer trois types de titres : des bluechips américaines et européennes dont les business model résistent aux crises, des valeurs des thématiques d’avenir (transition climatique, technologie, innovation dans la santé) et des small et mid caps européennes dont les valorisations sont attractives.
Propos recueillis par Laurence Allard.