Les trois points essentiels sur l’évolution de la croissance et de l’inflation à moyen terme demeurent la relance chinoise, l’évolution du pétrole et l’impact des changements démographiques mondiaux.
En ce premier trimestre 2023, les scénarios se multiplient autour de la croissance et de l’inflation. Au-delà des variations de très court terme, trois sujets sont au cœur des interrogations pour déterminer la trajectoire de cette très changeante « année du Lapin ».
Le premier est évidemment l’intensité de la relance chinoise après trois longues années d’entraves sanitaires. A ce stade, la prudence domine. Certes, le consommateur, enfin libéré des terribles contraintes du Zéro-CoVid, est au rendez-vous : le trafic aérien domestique rebondit très vite, l’activité à Macao bat des records et l’ile du Hainan ne désemplit pas.
Mais l’euphorie n’est pas de mise. L’immobilier peine à se remettre : en février 2023, le stock de biens sur le marché atteignait ainsi l’équivalent de 16 mois de vente, au plus haut depuis plus de dix ans et dépassant nettement le précédent record de 14 mois de février 2015.
Dans l’ensemble du secteur manufacturier chinois, c’est aussi la circonspection qui domine. Ainsi, l’indice Caixin pour le mois de février, qui mesure le sentiment des directeurs d’achat du secteur privé pour la partie industrielle, est ressorti à 49,2, toujours en contraction.
A ce stade donc, l’équilibre parait le bon : la relance, grâce au consommateur, semble capable d’adoucir l’atterrissage de l’économie mondiale sans relancer l’inflation.
Le deuxième sujet est le pétrole. A court terme, la baisse du baril de brut depuis début 2022 est très favorable pour l’inflation et l’économie en général. D’ici la fin de l’année en revanche, la croissance de la consommation dans les pays hors OCDE devrait conduire, selon les derniers chiffres de l’Agence Internationale de l’Energie, à un déficit de l’ordre de 1,8 millions de barils/jour au niveau mondial.
C’est le prix à payer pour des années de sous-investissement dans l’exploration et la production. Entre 2011 et 2015, les investissements y ont évolué entre 570 et 780 milliards de dollars par an. Après une baisse déjà sensible entre 2016 et 2019, moins de 400 milliards de dollars ont investis par an dans la filière depuis 2020. Rien d’étonnant à ce que la production ne suive pas.
La dynamique des prix pourrait donc reprendre, d’autant que les stocks sont très bas : depuis décembre 2020, ils ont baissé de 600 millions de barils. Les dernières projections font état d’une estimation de 3,2 milliards de barils fin 2023, au plus bas depuis 1986. Une épée de Damoclès sur le scénario « soft landing » sauf effort d’efficacité considérable dès cette année.
Reste la démographie. En Europe, aux Etats-Unis et en Asie, les taux de fertilité ne permettent plus le remplacement démographique. Même l’Inde est passé sous ce seuil depuis 2020. En Chine, en Italie, au Japon, en Corée, c’est l’ensemble de la population qui baisse désormais. Et la population active baisse quasiment partout.
La question qui se pose immédiatement est celle de l’impact de ce phénomène sur les marchés de l’emploi, donc sur l’inflation. Aux Etats-Unis, l’âge médian de la population est de 38 ans en 2021 contre 30 ans en 1980. Cela se traduit par une baisse de la population active, d’autant que la participation au marché de l’emploi est passée entre 2008 et 2022 de 74% à 68% pour les hommes et de 60% à 57% pour les femmes. Et, politiquement, difficile de relancer l’immigration.
La pression sur les salaires devrait donc être croissante. L’exemple du Japon entre 2000 et 2020 vient démentir ce raisonnement : malgré un ratio offres sur demandes d’emploi s’envolant de deux à quatre sur la période, la progression annualisée des salaires n’a pas dépassé 2,5%. Tout reste donc ouvert sur ce sujet dans les mois à venir.
Entre une relance chinoise prudente, des pressions énergétiques qui pourraient s’aggraver, et l’inconnue démographique, les perspectives restent donc incertaines. Mais un scénario positif sur les marchés, fondé sur une croissance faible mais réelle, et la poursuite du mouvement de désinflation, demeure notre hypothèse centrale.
Par Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Finance pour Citywire