Pour le président de Montpensier Finance, les marchés devraient rester agités. L’occasion de se repositionner sur la santé , la transition énergétique et les petites et moyennes valeurs
Les marchés ont corrigé fortement cet été avant de se re-saisir puis de rebaisser. Qu’en penser?
Les marchés demeurent très nerveux : septembre et octobre sont historiquement des mois compliqués. De plus, l’absence de traction en provenance de la Chine pèse sur de nombreuses valeurs, notamment celles du Luxe. La question fondamentale est celle de la nature et de la vitesse du ralentissement de l’économie mondiale, et,corrélativement celle du desserrement rapide de la contrainte monétaire. Au 1er septembre dernier, les taux d’intérêts réels américains étaient au plus haut depuis 2007.
Les marchés ne sous-estiment-ils pas le ralentissement de l’activité aux Etats-Unis et en Europe ?
Sans être excessivement marqué, le ralentissement est clair dans l’industrie, des deux côtés de l’Atlantique. L’Europe souffre du déficit de demande intérieure et des surcapacités en Chine, tandis que les Etats-Unis atterrissent après une longue période d’activité frénétique pour combler les chocs d’offre du CoVid.
En revanche, les services résistent, y compris en Europe, et surtout le consommateur américain reste à la manœuvre. Aux Etats-Unis les ventes de détails sont très solides. Le marché de l’emploi, même en voie de normalisation accélérée, continue de soutenir cet appétit grâce à des salaires réels en hausse et à une productivité en progression de 3,5%.
De même la baisse de l’inflation n’est-elle pas surestimée au regard des propositions des candidats à l’élection présidentielle américaine et des tensions géopolitiques ?
La baisse de l’inflation a été rapide et puissante de part et d’autre de l’Atlantique. Aux Etats-Unis, après un pic à 7% mi-2022, elle s’établit désormais à 2,5% sur un an. Le mouvement est le même en Europe. Une résurgence reste possible. Néanmoins, une bonne part de l’inflation post-CoVid résultait des fortes perturbations liées à la pandémie, qu’elles affectent l’offre de biens, ou le marché du travail. Cette phase est désormais largement révolue.
Le principal danger inflationniste demeure un choc géopolitique qui générerait une poussée très forte du pétrole. Cela n’a pas été le cas jusqu’ici en dépit de la dramatique situation au Moyen-Orient. Quant à l’impact d’une remontée significative des droits de douane aux Etats-Unis, en particulier en cas de victoire de Donald Trump, cela demeure très incertain car l’effet sur l’ensemble de l’économie pourrait être similaire à un choc fiscal, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, est plutôt déflationniste. C’est ce qui s’est passé dans les années 1930 et, plus près de nous, lors de la hausse des taxes de 2018 poussées par l’administration Trump.
Les incertitudes politiques françaises pèsent-elles sur le CAC 40 mais également les marchés européens ?
Depuis l’annonce des élections en juin, une légère tension sur le coût relatif de la dette française et une sous performance du CAC 40 ont été constatées. L’arrivée au pouvoir d’une équipe qui aurait remis en cause le cadre de l’Euro aurait gravement inquiété les marchés. Les marchés resteront très attentifs aux décisions prises par le nouveau gouvernement français. Toute remise en cause de la politique de l’offre mise en place depuis 2017, toute mesure démagogique et toute hausse marquée des impôts seraient très défavorablement considérées par les investisseurs.
La BCE comme la Fed ont annoncé une baisse des taux en septembre. Y en aura-t-il d’autres baisses d’ici décembre ?
Compte tenu de l’atonie de la croissance et de la faiblesse de l’inflation, la poursuite de la baisse des taux est nécessaire. A ce stade, l’anticipation des marchés – trois baisses de taux au minimum outre-atlantique entre septembre et décembre – nous parait raisonnable. La BCE pourrait être plus prudente sera plus prudente.
Doit-on s’attendre à une grande volatilité des marchés d’ici la fin de l’année ? Comment les voyez-vous évoluer ?
La conjonction du renversement de la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique, des incertitudes politiques aux Etats-Unis alors que se profilent les élections du 5 novembre à la présidence et au Congrès, et des questions sur l’avenir du cycle économique mondial, forment indubitablement un contexte propice à la volatilité.
Mais le propre des marchés reste leur propension, d’une part à toujours surprendre, et d’autre part à grimper ces « murs d’inquiétudes » qui se dressent régulièrement devant eux. Pour reprendre le fil de l’histoire, les années d’élections présidentielles américaines sont souvent marquées par une volatilité plus forte avant le jour J, puis, une fois l’incertitude dissipée, une trajectoire plus positive jusqu’à la fin de l’année.
Les valorisations ne sont-elles pas excessives ?
En Europe, les valorisations restent très raisonnables au regard des moyennes historiques, en particulier avec la correction du secteur du luxe. C’est moins le cas aux Etats-Unis sans toutefois que les multiples atteignent des sommets. Plus généralement, les cours nous paraissent refléter la croissance attendue des bénéfices, et les derniers résultats ont été cohérents avec cette analyse.
Privilégiez-vous toujours les actions ? Si oui quels marchés? Et quels secteurs ?
Nous privilégions en effet les actions, même si nous avons adopté un positionnement plus prudent depuis l’été. L’Europe conserve notre préférence, au regard du retard de performance depuis le début de l’année de certains pans du marché, et des publications de résultats d’entreprises de bonne qualité. Sur le continent, nous apprécions toujours les actions de petites et moyennes capitalisations, qui profitent de flux entrants sur la classe d’actifs et de niveaux de valorisation attractifs. Nous restons investis sur les actions américaines, mais avec plus de modération en amont de l’élection présidentielle. Nous avons allégé une partie des positions sur les actions d’Asie du Sud-Est après de bonnes performances depuis le début de l’année, tout en restant exposés à la reprise chinoise.
Nous demeurons investis sur les thématiques séculaires comme la santé, qui profitent de perspectives de croissance importante ; la transition climatique, qui devrait bénéficier d’un environnement de taux plus accommodant ; le sport et le bien-être mis en lumière par les JO et la technologie en particulier le Cloud, écosystème indispensable au développement et au déploiement de l’intelligence artificielle.
Le rôle moteur de la tech et des 7 Magnifiques n’est-il pas en train de s’essouffler?
Le marché se rééquilibre. La tech reste un moteur important et un puissant générateur de profitabilité mais, devant les investissements massifs nécessaires pour construire les infrastructures indispensables – entre autres – au déploiement des dernières solutions technologiques, d’autres leaders prennent le relais des 7 Magnifiques. C’est un phénomène assez traditionnel lors de l’apparition d’innovations de rupture, depuis les premiers chemins de fer dans le premier XIXème siècle jusqu’à l’intelligence artificielle : après la première phase d’enthousiasme, vient le temps des calculs plus froids.
La hausse des actions japonaises au deuxième trimestre n’a-t-elle été qu’un feu de paille ou vous repositionnez vous sur ce marché ?
Il y a un vrai changement de paradigme au sein de l’économie japonaise. Les salaires progressent de nouveau, le pays est sorti de la déflation et les entreprises intègrent dans leurs objectifs prioritaires la rentabilité des capitaux investis et le retour à l’actionnaire. On peut donc de nouveau revenir sur ce marché. Il faut le faire avec mesure car, pour un investisseur en euros, le cours du Yen demeure très volatile et le pays est en première ligne face aux tensions dans le détroit de Taiwan
Faut-il toujours rester à l’écart de la Chine….?
Le pays possède des atouts économiques incontestables mais souffre d’une demande intérieure atone qui génère de fortes surcapacités industrielles, ainsi que d’un secteur immobilier qui peine à sortir de l’ornière. Les indices chinois sont très bon marché au regard de leurs valorisations historiques mais restent un outil de diversification réservé à des investisseurs chevronnés.
Et préférer s’intéresser à l’Inde? Si oui comment et dans quelle proportion?
Les entreprises indiennes sont très rentables et les valorisations des actions traditionnellement élevées. L’Inde a profité du désamour des investisseurs vis-à-vis de la Chine. Une correction pourrait être une opportunité d’entrée sur ce marché.
2024 ne va-t-elle pas être l’année des obligations?
Compte tenu du niveau des taux réels, le rendement net d’inflation des titres obligataires est toujours intéressant et la valorisation du marché pourrait profiter des baisses de taux à venir. Nous apprécions les obligations souveraines qui permettent de réduire la volatilité des portefeuilles en cas de récession. Nous maintenons au sein de nos fonds diversifiés des positions en obligations de crédit euro court terme aux rendements attractifs. Nous apprécions également les obligations convertibles pour leur profil rendement / risque.
L’or est au plus haut. Faut-il garder ou s’alléger ?
L’or bénéficie de trois puissants moteurs : les fortes tensions géopolitiques qui lui redonnent pleinement son rôle de valeur refuge, le mouvement de baisse de taux généralisé qui diminue l’attrait des placements alternatifs, notamment en obligations, et les flux d’achats des banques centrales, soucieuses de moins dépendre du dollar pour leurs réserves. Ces moteurs restent d’actualité. L’or reste donc un élément très pertinent de diversification de ses avoirs, à condition de le limiter à un rôle « satellite » .
Par Guillaume Dard, Président du Conseil de Surveillance